
Le zémidjan ou taxi-moto est un mode de transport populaire au Bénin et dans plusieurs pays d’Afrique, dont le Nigéria, le Kenya et le Sénégal. Il a connu une explosion massive dans les années 80 après une crise économique et sociale qui a fortement secoué les Béninois. À l’époque, de nombreux fonctionnaires sont devenus des Zémidjans pour subvenir à leurs charges suite à la perte de leurs emplois. Ils utilisaient des motos de marque Yamaha Mate V60 ou V80 pour le transport de marchandises et de biens. Aujourd’hui, les conducteurs de taxi-moto sont devenus indispensables pour un grand nombre de Béninois et d’étrangers séjournant dans le pays. Zoom sur l’importance et les défis liés au métier des Zémidjans au Bénin.
L’apparition des Zémidjans dans les villes béninoises
Dans les années 1970, les Zémidjans sont apparus sous l’impulsion de Jules Ahotin dans la capitale administrative du Bénin, Porto-Novo. Cet homme utilisait sa moto pour transporter les femmes vendant de l’akassa, une pâte à base de manioc très consommée au Bénin et au Togo. Progressivement, le zémidjan a été adopté par de nombreux citoyens pour aller d’un point A à un point B au sein d’une même ville. Aussi, ce mot a pour signification en fon « emmène-moi vite ».
Le phénomène a connu une telle expansion qu’en 1993, la première corporation des Zémidjans a été créée. L’objectif de celle-ci était de réglementer ce mode de transport. Une chemise servant d’uniforme a été choisie pour les personnes exerçant le métier. La couleur du vêtement peut varier d’une région à une autre. Par exemple, l’uniforme est jaune pour les Zémidjans de Cotonou tandis qu’il est bleu pour ceux de Porto-Novo.
La chemise est fournie par la Marie de la ville concernée. Elle porte un numéro d’enregistrement, qui sert d’immatriculation, pour lequel le Zémidjan est tenu de payer un « droit-taxi ». Au dos du vêtement, on retrouve, en dehors du numéro d’immatriculation, un message ou un proverbe en langue locale.

Les avantages des Zémidjans pour les déplacements
Les Zémidjans sont d’une grande efficacité dans la mobilité urbaine au Bénin. Ils permettent de circuler rapidement dans chaque ville et d’accéder plus facilement à des endroits reculés. Grâce à la praticité des motos utilisées pour le transport, il devient plus facile de contourner les bouchons pour vite arriver à destination. Les conducteurs font preuve d’une grande habileté pour se faufiler parmi les véhicules.
De plus, les Zémidjans proposent leurs services à des tarifs qui sont généralement accessibles à tous. Ils sont flexibles et peuvent revoir leurs prix à la baisse face à un bon négociateur. Avec eux, il est possible de ne dépenser que 500 f pour aller dans un endroit où il aurait fallu débourser 2000 f pour se rendre en taxi.
Par ailleurs, les Zémidjans peuvent être aussi de bons confidents le temps d’un trajet, surtout pour les femmes. Ces dernières n’hésitent souvent pas à leur confier leurs préoccupations du moment, lorsqu’elles se sentent en confiance. « C’est comme si les passagers ont honte de parler de leurs soucis à leurs proches. Ils profitent du fait qu’ils ne nous reverront plus certainement pour tout nous confier », témoigne Bernardin, peintre et zémidjan expérimenté à Cotonou.
Les défis liés aux Zémidjans au Bénin
En général, le choix d’exercer le métier de Zémidjan est difficile. De nombreux Béninois se tournent vers cette profession en dernier recours, car elle comporte plusieurs risques. Pour commencer, elle est loin d’être aussi rentable qu’à l’époque de son apparition. Si avant un Zémidjan pouvait gagner jusqu’à 5000 francs CFA par jour, aujourd’hui, il peut difficilement atteindre 3000 francs CFA d’après certaines de nos enquêtes sur le terrain.
Pourtant, les charges financières sont plus importantes aujourd’hui que par le passé. Le prix de l’essence fluctue constamment. Les pannes de moto courantes entrainent des dépenses imprévues. Il est alors difficile de pouvoir compter sur les bénéfices du métier pour joindre les deux bouts. Acculés et désespérés, certains Zémidjans se tournent vers la drogue pour échapper à la réalité.
Ensuite, le métier exige qu’on se lève tôt pour rentrer tard, le plus souvent. Il faut conduire pendant de longues heures sous le chaud soleil et parfois même quand il pleut sur des routes difficiles à pratiquer. De nombreux conducteurs affirment qu’ils commencent leur recherche de client avant 6 h. Certains travaillent jusqu’à 2 h, voire 4 h du matin. Malgré cela, rien ne leur garantit d’avoir des revenus suffisants.
Pour les voyageurs, le recours aux Zémidjans pour le transport urbain n’est pas sans risque. Beaucoup de conducteurs font preuve d’imprudence, ignorant consciemment ou inconsciemment les règles de sécurité routière. Ils mettent ainsi en danger la vie des usagers de la route et la leur, occasionnant des accidents souvent meurtriers.
À ce propos, en août 2022, la Société des Infrastructures Routières et de l’Aménagement du Territoire (SIRAT) a publié un rapport provisoire d’étude sur la sécurité routière mentionnant 2774 cas d’accident de la route de 2011 à 2020, avec en moyenne 76 personnes tuées par an. Même si ces derniers n’ont pas tous été provoqués par des Zémidjans, le rapport affirme que « ce sont les motocyclistes et leurs passagers qui constituent les principales victimes d’accidents dans nos grandes villes ».

Les solutions pour réguler les Zémidjans et les alternatives
Pour réguler les Zémidjans, il importe de mettre en place un système de contrôle plus strict des conducteurs. Il faut prévoir parallèlement des amendes pour ceux qui enfreignent les règles. Les autorités devraient aussi envisager de sensibiliser les conducteurs sur l’importance de leur santé mentale. Ces derniers devraient apprendre à faire face au bore-out et au burn-out, des maux courants dans leur profession.
Par ailleurs, les voyageurs pourraient se tourner vers des alternatives plus sûres pour se déplacer le cœur tranquille. Les transports en commun par exemple constituent une excellente option. Ils sont plus économiques et contribuent à réduire notre empreinte écologique. Nonvi Voyages, EcoZem, le service de covoiturage RMobility et plusieurs autres prestataires opérant dans le secteur des transports sont des alternatives allant dans ce sens.
Si les Zémidjans posent de nombreux défis, ils restent aujourd’hui un pilier incontournable de la mobilité au Bénin. Toute réforme devra donc prendre en compte leur rôle social, économique et culturel.
Olivier Max ZOUMENOU





