Clubs africains au Mondial des clubs : un échec qui interroge

4 août 2025
Clubs africains au Mondial des Clubs

Quatre clubs africains qualifiés, zéro survivant après la phase de groupes. Le bilan de la première Coupe du monde des clubs à 32 équipes est sans appel pour le continent : Al Ahly, l’Espérance de Tunis, le Wydad AC et les Mamelodi Sundowns ont tous échoué à franchir le premier tour face aux géants européens et sud-américains.

Au-delà de la déception, cette élimination collective révèle des failles structurelles précises dans le football africain. Pourquoi l’écart technique s’est-il autant creusé ? Quels facteurs – infrastructures, formation, financement, calendriers – ont pesé dans ces échecs ? Et surtout, quelles solutions concrètes pourraient permettre aux clubs africains de rivaliser véritablement lors des prochaines éditions ?

Une analyse des causes profondes de cette désillusion… et des pistes d’espoir pour l’avenir du football continental.

Mamelodi Sundowns : un parcours valeureux, une élimination cruelle

Les derniers espoirs africains reposaient sur les épaules des Mamelodi Sundowns, champions d’Afrique du Sud et finalistes de la dernière Ligue des champions CAF. Après une belle victoire inaugurale face aux Sud-Coréens d’Ulsan HD (1-0), les Sud-Africains ont chuté de très peu (3-4) face à un Borussia Dortmund qui a su faire le dos rond et profiter de ses temps forts.

Tout s’est donc joué lors de la troisième journée face à Fluminense, leader du groupe. Une victoire était impérative pour décrocher la qualification en huitièmes de finale. Comme à la deuxième journée, les Sundowns ont dominé la rencontre : 60 % de possession, 7 tirs dont 3 cadrés, mais aucun but. Le gardien brésilien Fabio, 44 ans, a multiplié les arrêts décisifs, écœurant les attaquants sud-africains.

Ce 0-0 cruel met fin à leur rêve de qualification : les Sundowns terminent troisièmes du groupe, à un point seulement de la qualification.

Les fans des Bafana Ba Style, mortifiés d’être passés si près du but, ne s’en cachent pas.

“On a tout donné, mais sans but, tu ne gagnes pas. Ce Fluminense était prenable, c’est ce qui rend la défaite encore plus amère.” – @Sipho_RSA sur X

Clubs Africains au Mondial des clubs - Mamelodi Sundowns

Un fiasco continental qui pose question

La contre-performance sud-africaine vient s’ajouter aux déconvenues déjà enregistrées par les autres clubs du continent.

  • Espérance de Tunis : des matchs mal gérés face à l’adversité
    L’Espérance de Tunis n’a pas su capitaliser sur ses temps forts. Battus d’entrée par les Brésiliens de Flamengo (0-2), les Tunisiens se sont bien relancés en dominant le Los Angeles FC (1-0). Mais face à Chelsea, leur gestion tactique a montré ses limites : un pressing mal coordonné, des espaces laissés dans les transitions, et une incapacité à réagir après l’ouverture du score. Résultat : une défaite nette (0-3) et l’impression d’un collectif à court de solutions dans les moments clés.
  • Al Ahly : de belles intentions, mais une inefficacité chronique devant le but
    Al Ahly est arrivé avec un palmarès impressionnant, mais sans tranchant offensif. Incapables de marquer face à l’Inter Miami (0-0) malgré plusieurs situations favorables, les Égyptiens ont ensuite été punis par Palmeiras (0-2), faute d’intensité dans les trente derniers mètres. Leur dernier match contre le FC Porto (4-4) a révélé un visage plus audacieux, mais aussi une défense dépassée par la vitesse portugaise. Trop de déchets dans le dernier geste et un manque de réalisme auront plombé leur parcours.
  • Wydad AC : un écart criant entre ambitions nationales et niveau de l’effectif
    Le Wydad Casablanca a souffert dans un groupe d’une intensité bien supérieure à celle du championnat marocain. Le contraste est frappant : le Maroc s’affiche comme une nation modèle en matière d’infrastructures et de formation, mais son représentant n’a pas tenu la distance. Battus logiquement par Manchester City (0-2) puis par la Juventus (1-4), les Wydadis ont sombré également contre Al Ain (1-2), dans une rencontre pourtant plus accessible. Entre blessures, manque de profondeur et fébrilité mentale, le WAC a révélé un déficit structurel inquiétant.
Clubs Africains au Mondial des clubs - Espérance Sportive de Tunis
ClubPaysRésultats par matchClassement finalBilan (Points / V-N-D)
Mamelodi SundownsAfrique du Sud– Victoire 1-0 vs Ulsan HD – Défaite 3-4 vs Dortmund – Nul 0-0 vs Fluminense3e du groupe4 pts (1-1-1)
Espérance de TunisTunisie– Défaite 0-2 vs Flamengo – Victoire 1-0 vs Los Angeles FC – Défaite 0-3 vs Chelsea3e du groupe3 pts (1-0-2)
Al Ahly SCÉgypte– Nul 0-0 vs Inter Miami – Défaite 0-2 vs Palmeiras – Nul 4-4 vs FC Porto4e du groupe2 pts (0-2-1)
Wydad ACMaroc– Défaite 0-2 vs Manchester City – Défaite 1-4 vs Juventus – Défaite 1-2 vs Al Ain4e du groupe0 pt (0-0-3)

Sur les plateformes sociales, le sentiment de déception collective était largement partagé, au-delà des seules nations concernées.

« C’est plus qu’un mauvais tournoi, c’est un miroir. L’Afrique est toujours en retard, et ça commence à devenir gênant. » – @Nawal_Kaba sur X

« On envoie nos champions pour représenter le continent, et voilà le résultat. Rien n’a changé. » – @Paa_Cisse sur Facebook

Mais au-delà de la déception générale, plusieurs techniciens pointent des lacunes structurelles préoccupantes. Pour Aliou Touré, reporter sportif et ancien entraîneur adjoint en Ligue 1 sénégalaise :

« Les clubs africains produisent de bons joueurs, mais pas forcément de bonnes équipes. Il y a un déficit de planification, de continuité dans le staff, et souvent une mauvaise gestion des temps forts et faibles. »

Même constat pour Nassima Kheira, analyste technique indépendante, qui souligne une autre faille :

« Les clubs africains ont encore du mal à intégrer les dimensions analytique et technologique du football moderne. Le suivi des performances, le monitoring des adversaires, la gestion des charges… tout cela fait partie de l’écosystème qui crée de la performance durable. »

Des trajectoires différentes, des faiblesses communes

Si l’échec est global, les contextes nationaux diffèrent profondément.

En Afrique du Sud, les Mamelodi Sundowns évoluent dans un championnat relativement bien structuré, avec des infrastructures solides et un modèle de gestion proche de celui des clubs européens. Mais la réalité tactique et physique du très haut niveau international leur échappe encore.

En Égypte, Al Ahly bénéficie d’un championnat populaire et d’une grande histoire continentale, mais le contexte économique freine désormais les ambitions. Difficultés de recrutement, budgets restreints, et instabilité impactent directement la performance.

En Tunisie, l’Espérance Sportive de Tunis souffre d’un championnat en perte de vitesse, confronté à une fuite constante de ses meilleurs talents vers l’Europe et le Golfe, sans réelle politique de renouvellement.

Le Maroc dispose d’infrastructures de référence, notamment grâce au Complexe Mohammed VI, mais le Wydad Athletic Club et ses concurrents peinent encore à bâtir des effectifs capables de rivaliser en profondeur avec les cadors européens ou sud-américains.

Clubs Africains au Mondial des Clubs - Al Ahly

Le talent ne suffit plus : le plafond de verre structurel est bien réel

Cette élimination collective pose une question simple et brutale : que manque-t-il aux clubs africains pour rivaliser ?

Là encore, les fans avaient un début de réponse à apporter.

“On pense que le talent suffit. Mais quand tu joues contre une équipe où même le kiné est mieux payé que tes 11 titulaires combinés, tu sais que c’est perdu d’avance. On se retrouve à jouer contre des équipes comme Dortmund ou Chelsea, alors que certains de nos clubs ne sont pas fichus de fournir des staffs complets à leurs entraîneurs. Comment peut-on rivaliser ?” s’interroge Lord Katanga sur X.

Son coup de gueule, largement partagé sur les réseaux, révèle un constat de fond : le problème n’est pas le talent brut, qui existe, et parfois même au plus haut niveau. Mais ce talent est livré à lui-même, sans les structures, l’encadrement ni les ressources nécessaires pour s’exprimer pleinement.
On l’a vu dans les séquences de domination des Sundowns ou les éclairs offensifs d’Al Ahly : la qualité technique existe. Mais les écarts se creusent ailleurs :

  • Dans la profondeur de banc, qui permet aux grands clubs de tenir l’intensité sur 90 minutes et trois matchs rapprochés.
  • Dans la rigueur tactique, notamment défensive, là où les clubs africains ont souvent cédé.
  • Dans la gestion de la pression et des moments clés, qui a fait la différence dans plusieurs rencontres.
  • Dans les mécanismes de gestion de la donnée et de la performance, qui sont encore trop largement sous-exploités sur le continent.
  • Et bien sûr, dans les moyens financiers. Les clubs africains restent loin des standards européens, sud-américains ou même asiatiques en matière de structures, de staff technique, d’analyse de performance et de préparation.

Ces lacunes sont structurelles. Et tant qu’elles ne seront pas comblées, la marche restera trop haute. Pour espérer franchir un cap et briser ce plafond de verre, les clubs et fédérations africaines doivent s’engager sur plusieurs fronts :

  • Investir massivement dans la formation, avec des académies mieux dotées et mieux encadrées.
  • Professionnaliser les structures, du staff médical au recrutement, en passant par l’analyse vidéo et la préparation mentale.
  • Renforcer les calendriers domestiques, trop peu compétitifs par rapport aux standards mondiaux.
  • Et enfin, travailler sur la régularité au haut niveau, en multipliant les confrontations internationales hors cadre officiel.
Clubs Africains au Mondial des Clubs - Wydad AC

Rendez-vous en 2029 ?

Le football africain repart donc bredouille de cette Coupe du monde des clubs 2025. Le prochain rendez-vous est fixé en 2029, pour la deuxième édition de ce tournoi élargi.

Quatre ans pour apprendre, pour progresser, pour combler, ne serait-ce qu’un peu, l’écart.

La balle est désormais dans le camp des dirigeants, des fédérations et des clubs africains eux-mêmes. Il leur appartient de transformer cette déception en moteur de progrès.

Moses KOUGNIAZONDE

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